Les bons achats de Marc – Janvier 2019
Le vin du Québec
par Marc Chapleau
Il y a un adage – ou une maxime, ou un proverbe, je n’ai jamais vraiment su quel mot précis utiliser –, il existe un dicton, disais-je, à propos de la réputation, selon lequel celle-ci peut nous suivre ou nous précéder.
Dans un cas, ce serait positif, les gens ayant par exemple entendu parler de vous en bien, sans eux-mêmes vous avoir déjà rencontré. Votre réputation vous précède, alors.
À l’inverse, on peut laisser surtout du négatif dans son sillage, et alors j’imagine qu’on dira que votre réputation vous suit.
Vous me suivez ? Pas grave. Voici le topo.
L’autre jour au badminton, un partenaire de jeu, Français d’une quarantaine d’années qui travaille dans un vignoble québécois avec qui je fraternise sur le court depuis plusieurs mois, l’autre soir, donc, le type en question, tandis qu’on attendait un changement de joueurs sur le banc, me lâche, comme ça, en souriant :
– Dis donc, j’ai appris cette semaine au boulot que tu n’aimais pas beaucoup les vins québécois…
Eh bien…
Cette réputation, qu’elle marche sur mes talons ou qu’elle me devance, me colle vraiment aux fesses !
Le gars, appelons-le Steve, savait déjà bien sûr que je travaille dans le vin. Il savait pour Chacun son Vin, même pour Cellier, bien qu’il y ait déjà cinq ans que j’ai dans ce cas rendu mon tablier.
Mais que lui, nouvellement arrivé dans nos contrées, me ressorte mon vieux « préjugé » envers les vins québécois, ça m’a… interpellé.
Coupable ou non coupable ?
A-t-il raison ? Tous ceux, les vignerons québécois, qui pensent que je n’aime pas leur production, sont-ils dans le champ ?
Mea culpa.
J’ai déjà été sinon franchement dur avec les vins du cru, du moins vraiment pas complaisant.
En tant que dégustateur professionnel, j’ai toujours évalué le plus objectivement possible ce qui trouve dans mon verre.
Le vin est bon ? Bravo ! En plus ce n’est pas trop cher ? Alors bingo !
C’est ok, mais sans plus, ça manque de ceci, trop de cela ?
Hmm, dans ce cas, si ça vient d’Europe, des États-Unis ou du Niagara, pas de trouble, on comprend ça, il faut ce qu’il faut, fais ton métier, dis ce que t’as à dire et puis basta. Par contre, si ça vient d’ici, si c’est un vin québécois, là par contre tu ne serais pas méchant un peu sur les bords, t’as pensé, enfoiré, aux gens qui s’escriment pour produire ça dans les conditions ô combien adverses qui sont les nôtres ?
Boire un drapeau…
C’est sauf erreur le grand expert britannique Michael Broadbent qui a jadis prononcé cette phrase lapidaire, alors qu’il renâclait devant une série de vins anglais et que ses compatriotes, outrés, le lui reprochaient :
« Je déguste du vin, pas un drapeau. »
Que l’anecdote soit véridique ou non importe peu, l’image est parlante.
Pour revenir à mes moutons, il faut savoir, à ma décharge, que les vins québécois, voilà 20 voire 30 ans, quand j’ai commencé, c’était souvent… olé olé.
Alors qu’aujourd’hui, réchauffement/dérèglement climatique oblige, l’âge des vignes, le savoir-faire des vignerons, l’appui de la SAQ, les moyens financiers plus conséquents, et cetera, tout cela concourt souvent à faire des vins locaux actuels de solides concurrents face aux vins internationaux du même calibre que l’on trouve sur nos marchés.
L’ouverture des plus jeunes
Mais le meilleur atout de la vigne ici au nord du 45e parallèle, c’est probablement la clientèle elle-même, les plus jeunes, qui n’ont pas connu les longs et ingrats débuts de la viticulture du cru, et plus volontiers locavores, adeptes de produits élaborés tout près, avec une faible empreinte écologique.
Pour sa part, l’ancien combattant que je suis est-il disposé à jeter du lest et à enfin donner une chance aux coureurs ?
Ça dépend, Steve.
Le processus d’analyse n’a pas changé.
Si c’est bon, cool, c’est super.
Si toutefois ça branle dans le manche un peu, si telle ou telle cuvée a beau se draper dans le fleurdelysé, elle pèche par excès ou manque de ceci ou cela… que voulez-vous qu’on vous dise ?
Allez-y, je suis tout oui.
À BOIRE, AUBERGISTE !
Bon, je sais, difficile de m’empêcher de cabotiner. Je me dis souvent d’ailleurs que si j’écrivais plus savamment, plus doctement, mon audience et mon impact seraient peut-être différents. Un peu comme lui, tiens, ou encore elle…
Mais bon, avec des si, c’est bien connu, on va à Granby.
Château Revelette Coteaux D’aix En Provence 2015 – Convaincant rouge provençal issu d’un assemblage de syrah (55 %) et de cabernet-sauvignon, pour l’essentiel. Léger reste de gaz carbonique qui donne encore plus de tonus aux saveurs, par ailleurs à peine corsées et bien soutenues par l’acidité ainsi qu’une touche de minéralité. [24,30 $]
St. Francis Chardonnay Sonoma County 2016 – Un « chardo » à l’ancienne, vanillé et au fruité bien mûr, qui convainc avec ses saveurs certes généreuses mais aussi relativement acidulées. [24,20 $]
St. Francis Cabernet Sauvignon Sonoma County 2015 –Rouge californien certes costaud et concentré, mais ni trop épais ou trop lourdaud. C’est assez boisé,oui, mais le fruit est très présent, les saveurs ont une certaine profondeur, si bien que l’équilibre d’ensemble est préservé. [32,50 $]
Terras Gauda O Rosal 2017 Riax Baixas 2017 – Très bon blanc espagnol floral et parfumé, bien nerveux, d’autant qu’il y a un petit côté perlant dans le vin. [25,80 $]
Jaffelin Bourgogne Aligote 2017 – Blanc de Bourgogne vif et tonique, pas très complexe – c’est de l’aligoté – mais qu’importe, avec sa pointe fumée et sa texture par ailleurs suave, on serait bien fou de s’en passer ! [17,25 $]
M. Chapoutier Bila Haut Occultum Lapidem 2015 – Excellente cuvée rouge du Roussillon à la fois marquée par la syrah et le grenache, de la profondeur par ailleurs, amplement de fruit, un caractère corsé et texturé, bien appuyé par l’acidité. [34,25 $]
Barros Colheita Tawny Port 2001 – Un autre excellent porto tawny signé Barros, à la couleur d’un fauve franc, brun orangé c’est dire, à la fois noisetté et légèrement herbacé, très engageant. La bouche suit, riche et suave, sans lourdeur aucune, avec un alcool en bride – pour autant qu’on serve le vin assez frais, à 13 ou 14 degrés environ. Excellent rapport qualité-prix. [35 $]
Errazuriz Aconcagua Costa Chardonnay 2017 – Chardonnay chilien on ne peut plus réussi, qui marie avec brio le fruit et le bois, tout plein de fraîcheur par ailleurs, pas trop de richesse, beaucoup de tonus. Caractère bien sec (1,4 g/l) qui complète le portrait. [21,55 $]
Fontanafredda Barolo 2014 – Étiquette à l’ancienne, vin à l’avenant, plutôt évolué, peu coloré, même un peu orangé, mais voilà, ce rouge du Piémont est bon, excellent même, peu corsé sans manquer de richesse et surtout de profondeur ni de fruit, tonifiante acidité. [29,85 $]
Famille Perrin Les Christins Vacqueyras 2016 – Toujours aussi satisfaisant, ce vacqueyras de la famille Perrin, toujours aussi élégant pourrait-on préciser, sans pour autant manquer de générosité. Une bonne solution de rechange aux châteauneufs-du-pape voisins, vendus deux fois plus cher. [24,25 $]
Mouton Cadet Rouge 2016 – Impeccable dans sa livrée 2016, ce classique d’entre les classiques. Pas un grand vin, tant s’en faut, par ailleurs assez boisé, mais la fraîcheur et l’équilibre sont au rendez-vous, ainsi que la typicité, cela fait très bordeaux. [15,80 $]
Coto De Imaz Gran Reserva 2011 – Rouge espagnol corsé et au boisé marqué, tout en bénéficiant d’une acidité bien présente, qui allège l’ensemble. Finale persistante sur les épices et les raisins secs. [35,75 $]
Tissot Maire Crémant Du Jura Brut Lapiaz – Très bon mousseux du Jura issu d’un assemblage de chardonnay et de pinot noir, sans notes oxydatives. Caractère plutôt délicat, légèrement floral, passablement sec (8,4 g de dosage) et nerveux, avec une effervescence retenue. [21,30 $]
Marc
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