Les bons achats de Marc – Décembre 2018
Les filles du vin
par Marc Chapleau
Le déclencheur, ça a été l’autre jour, lors d’une dégustation de grands bourgognes à laquelle assistaient aussi mon confrère Aubry ainsi, notamment, que deux ou trois filles du vin, des consoeurs chroniqueuses qui, ce matin-là, ont talonné le vigneron invité.
Pointues, leurs questions, dignes d’un concours de sommellerie. À propos de premox, entre autres, cette oxydation prématurée aujourd’hui pratiquement disparue mais qui a tant entaché les grands bourgognes blancs.
Le producteur n’esquivait pas, il avait même l’air de s’amuser, les consoeurs le challengeaient solide, pas question de lâcher leur os, elles ont de la suite dans les idées et dieu sait qu’elles ne parlent pas à travers leur chapeau, elles l’ont potassé, leur sujet, ce qui fait que allez mec, réponds, crache le morceau.
Aubry et moi nous sommes regardés, à un moment donné. Éblouis par cette joute oratoire, et amusés nous aussi.
Bon, ok, je ne sais pas vraiment pour lui, on n’en a pas reparlé, mais perso, je me suis senti à ce moment précis tellement loin, tellement non pas au-dessus, mais à côté de tout ça…
Aujourd’hui, plusieurs jours après le fait, je repense à l’épisode et… me prend l’envie de donner dans la pop-psycho.
Genre, on sait bien, ça commence à la petite école, les meilleurs élèves sont presque toujours des Hells – des « elles », pardon. Les gars, c’est bien connu, ne pensent qu’à jouer et à se chamailler. D’où, par conséquent, le décrochage scolaire.
Ma théorie, en cette fin 2018, c’est qu’on est pourtant tout aussi capables, tout aussi intelligents que toutes les premières de classe réunies.
C’est juste ce satané et indécrottable côté brouillon.
En vertu duquel tourner les coins ronds, ce n’est pas bâcler le travail, c’est plutôt emprunter le plus court chemin vers le plaisir et la déraison.
Ainsi, pour revenir au vin, ce n’est pas que telle ou telle explication ne nous intéresse pas, pas non plus qu’on ne veut pas progresser, mieux connaître ses tenants et aboutissants, sa vinification et ses infinies subtilités.
C’est fabuleux le vin, je ne vais certainement pas ici cracher dans la soupe. Une source incroyable de découvertes, de surprises, d’illuminations.
Mais…
Nous autres, les mâles, on aime ça aussi échanger par exemple sur nos derniers achats et sur ce qu’on a en cave. Genre : la mienne est plus grosse que la tienne – ou du moins, hé que j’aimerais ça.
Ça, peu de filles du vin en font grand cas. Elles n’en ont pas.
J’entends par là : collectionner ne semble pas un acte naturel pour la majorité d’entre elles.
Grosse généralisation, tout ça. Sûrement. Surtout que vient brouiller mes cartes le fait qu’au récent concours du meilleur sommelier des Amériques, les finalistes étaient tous masculins…
Anyway.
Bonne fin d’année, les filles.
Et couvrez-vous bien, hein, il fait un peu froid dehors
P.-S. À tous, sans distinction de sexe, de race ou de dieu sait quoi, joyeuses Fêtes, on se revoit en 2019.
À BOIRE, AUBERGISTE !
Il serait on ne peut plus raccord, à ce stade, de parler de vins féminins et de vins masculins – lesquels, tous deux, existent bel et bien.
En deux mots, les « féminins » sont élégants et pas très corsés. Tandis que les « masculins », s’ils peuvent également faire preuve de grâce et de distinction, sont aussi et surtout sinon costauds du moins assez robustes et relativement tanniques, souvent.
Entre les deux, tous les transgenres que vous pouvez imaginer.
À boire pour de vrai, maintenant, du mousseux d’abord, ensuite du champ’, puis du rouge et du blanc, tout ça dans le désordre, sans que rien ne foute le camp…
Foss Marai Prosecco – Ampleur et fraîcheur, l’un des meilleurs proseccos sur le marché, fruité sans être trop mûr ni parfumé, de la profondeur, une relative austérité mais un attrait certain. [19,90 $]
Gloria Ferrer Sonoma Brut – Agréablement brioché, belle acidité par ailleurs, le vin est relativement tendu tout en étant généreux. À 13,5 g au litre, le résiduel lui donne un côté enrobé, bien assumé. [32,25 $]
Domaine Vincent Carême Brut 2015 – Fin et épicé, à peine miellé, de l’acidité et une effervescence bien dosée. À 25 $ et des poussières, un excellent rapport qualité-prix et une superbe solution de rechange aux champagnes, au moins une fois et demie plus cher. [25,35 $]
Nicolas Feuillatte Brut Réserve Exclusive Champagne – Après plusieurs proseccos et quelques mousseux californiens, on passait durant cette dégustation à la Champagne et d’emblée, cela paraît. Finesse sur le plan olfactif, l’olive verte, un léger côté brioché. Les saveurs suivent, le tabac en rétro-olfaction, la fraîcheur, tout du long. À moins de 50 $, un excellent rapport qualité-prix, si l’on peut dire. [48,50 $]
Taittinger Brut Réserve – Fin, épicé, tendu, pas d’esbroufe ici, on est sur la retenue et c’est bien tant mieux ! Dégusté à partir d’une demi-bouteille, à 31,50 $.
Château De Beaulon 5 Ans Blanc – Toujours aussi bon, sucré certes (140 g) mais noisetté et nerveux par ailleurs, avec une finale sur le chocolat blanc. À table ? Avec le foie gras, pardi ! Ou la terrine de foies de volaille, qui ferait aussi bien l’affaire. [20,75 $]
Pur Vodka Série Autographe Michel Jodoin – Enfin, une vodka avec du goût – aromatisée à la pomme Geneva, nous apprend la fiche technique. Épicée par ailleurs, des notes évoquant le caramel également. Très bonne, finalement ! [49,75 $]
Château Ducluzeau Listrac Médoc 2014 –Très bon bordeaux rouge d’un millésime resté dans l’ombre des 2015 et 2016, classique, assez corsé, relativement tannique et avec une bonne masse de fruit à l’arrière. Finale sur la fraîcheur, avec un soupçon de minéralité. Prix (un peu plus de 31 $) mérité.
Domaine Faiveley Bouzeron 2015 – Ce n’est pas du chablis, ni du meursault ni du chassagne-montrachet, ce n’est même pas du chardonnay, mais à 25 $ et des poussières, et avec ces délicieux accents fumés, les sceptiques seront confondus. Pas grand, ce bouzeron élaboré à partir du cépage aligoté, mais saprément bon ! [25,45 $]
Viberti Barbera D’alba La Gemella 2016 – Un barbera intense et fougueux, relativement corsé, délicieusement acidulé, pas d’apport boisé notable, fruité en retrait un peu. Appelle la nourriture et notamment les viandes blanches, mijotées ou grillées, ainsi que la pizza sous pratiquement toutes ses formes. [20,50 $]
Monte Real Reserva 2014 – Boisé, cela coule de source, c’est un rioja, on reconnaît même très bien les notes de noix de coco typiques du chêne américain. Cela dit, quel bon rouge, généreux, savoureux, avec l’acidité nécessaire pour tenir la distance, en bouche. [26,95 $]
Clos Triguedina 2014 – Excellent cahors au nez poivré et réglissé, corsé et concentré tout en faisant preuve de rondeur. Amertume de bon aloi, qui appelle de tous ses voeux un plat à base de canard, lequel gommera toute éventuelle âpreté non bienvenue. [29,20 $]
Marc
Note de la rédaction: vous pouvez lire les commentaires de dégustation complets en cliquant sur les noms de vins, les photos de bouteilles ou les liens mis en surbrillance. Les abonnés payants à Chacun son vin ont accès à toutes les critiques dès leur mise en ligne. Les utilisateurs inscrits doivent attendre 30 jours après leur parution pour les lire. L’adhésion a ses privilèges ; parmi ceux-ci, un accès direct à de grands vins!