Beaujolais un jour, Beaujolais toujours

par l’équipe de Chacun son Vin

Cet article a été commandé par InterBeaujolais.

À propos du champagne, Lily Bollinger, l’une de ses plus grandes ambassadrices, disait qu’elle en buvait quand elle était heureuse et quand elle était triste. Parfois lorsqu’elle était seule, mais toujours – « par devoir » – si elle avait de la compagnie. « Sinon, concluait-elle, je n’y touche jamais, sauf si j’ai soif. »

Si je devais, sans grande originalité, paraphraser Madame Bollinger, mes mots feraient plutôt référence aux vins du Beaujolais qu’à ceux de la Champagne. Plus j’en bois et plus je les fréquente, plus je les aime. En toutes circonstances.

Au printemps, il marque le début de la saison des apéros en terrasse. Pendant les mois chauds d’été, je ne me lasse pas de sa légèreté et de son caractère désaltérant. À l’automne, quand le mercure descend, il me procure du réconfort. Et en hiver, surtout pendant les Fêtes, je ne peux imaginer meilleur compagnon pour les tourtières, pâtés à la viande et autre ragoût de pattes.

Car le beaujolais est un excellent compagnon de table. Les sommeliers et restaurateurs l’apprécient pour son caractère frais et acidulé, autant que pour sa relative légèreté. Ce même caractère guilleret et léger qui a hélas porté ombrage à sa crédibilité et lui a valu d’être snobé par nombre d’amateurs de rouges qui pendant trop longtemps, voyaient dans la force tannique et dans la puissance des gages de qualité.

Vendanges (Photo by Etienne Ramousse ©inter-beaujolais)

Or, tout amateur de vin fin et digeste reconnaîtra que le Beaujolais est aujourd’hui à ranger parmi les régions viticoles les plus intéressantes de France, ne serait-ce que pour l’excellent rapport qualité-prix qu’elle offre aux consommateurs. C’est ce qui me venait en tête alors que je goûtais l’excellent Chénas 2016 de Pascal Aufranc. Ce vin charnu, nerveux et vibrant est issu de vignes de 80 ans et il offre une expression absolument délicieuse du terroir de Chénas, le plus petit des crus du Beaujolais, voisin de Moulin-à-Vent. À 20 $ et des poussières, il a peu d’égal sur le marché.

« Viticulture héroïque »

Le Beaujolais est aussi l’un des plus beaux vignobles du pays, avec ses paysages vallonnés, ponctués de petits hameaux qui semblent figés dans le temps. En parcourant les routes sinueuses qui relient du nord au sud les terroirs de Saint-Amour, Juliénas, Chénas, Moulin-à-Vent, Fleurie, Chiroubles, Morgon, Régnié, Côte de Brouilly et Brouilly, j’ai eu à maintes reprises le souffle coupé par les paysages spectaculaires qui se dessinaient devant nous à chaque virage.

D’ailleurs, contre toute attente, le Beaujolais compte plus de parcelles classées « viticulture de montagne », que la Savoie. Le tiers des vignobles de la région ayant une pente de 10 % ou plus. C’est ce que souhaite faire reconnaître auprès des instances européennes le CERVIM (Centres d’études, de recherches et de valorisation de la viticulture en montagne), avec la mention « viticulture héroïque ». « Le CERVIM, précise la pédologue Isabelle Letessier, tient compte des efforts fournis par les viticulteurs dans ces zones où la mécanisation est impossible à cause d’une forte inclinaison. »

Fleurie (©inter-beaujolais)

Lors d’une visite dans la région il y deux ans, mes collègues et moi avons eu la chance d’assister à une présentation d’Isabelle Letessier portant sur une étude de caractérisation des sols du Beaujolais, essentiellement constitués de granite décomposé, sur lesquels le cépage gamay a depuis longtemps trouvé un terrain de jeu rêvé. L’exposé de Letessier, qui a commencé ses recherches dans la région en novembre 2009, sur une superficie de 19 000 hectares, s’est avéré captivant et nous a permis de faire la lumière sur certains mythes et idées reçues à propos des sols et des terroirs des différents crus.

Isabelle Letessier rappelait, à titre d’exemple, le cas de Moulin-à-Vent, dont les vins sont significativement plus charnus et compacts que la moyenne régionale. Un trait caractéristique qu’on a longtemps attribué, à tort, à la présence de manganèse dans les sols puisque, jusqu’en 1910-1915, la commune de Romanèche-Thorins – au cœur de l’appellation Moulin-à-Vent – abritait la plus importante mine de manganèse de France.

Le Moulin-à-Vent 2016 du Domaine Anita, bien qu’il soit déjà accessible demeure assez typé de son appellation par son volume, sa mâche tannique serrée et son fruit bien mûr, qui évoque le cassis. Tout à fait recommandable à 26,40 $. À l’opposé du spectre, les vins de l’appellation Saint-Amour sont plutôt reconnus pour leur souplesse. Le 2016 du Domaine de la Pirolette déploie un fruit gourmand et généreux, avec une finale aux parfums de bonbon à la violette.

Jean-Paul Brun, l’un de mes vignerons-références depuis des années, a lui aussi tiré avantage de la fraîcheur des terroirs d’altitude de Fleurie – deuxième cru le plus élevé – et a produit un 2015 purement délicieux. Un heureux mariage d’onctuosité et de nervosité, qui témoigne à la fois de la richesse du millésime et de la vigueur caractéristique du cépage gamay sur les arènes granitiques de Fleurie. Un très bon vin dont on devrait mettre quelques bouteilles en cave pour ne les ouvrir que vers 2023-2025.

Un peu plus au sud, Morgon est le plus distinctif des crus, ne serait-ce que par la nature de ses sols de schiste de la Côte du Py, où Jean Foillard produit un vin unique, l’un des plus complexes et des plus achevés de la région, souvent comparables à ceux de grands terroirs de la Côte d’Or après quelques années d’élevage. Disciple de Jules Chauvet et l’un des précurseurs régionaux dans l’élaboration de vins sans soufre, Jean Foillard et sa famille possèdent aussi cinq hectares sur le terroir de Corcelette, voisin de Chiroubles, connu pour donner des vins abordables en jeunesse, plus fruités que charnus. Celui-ci est issu de vignes âgées de 80 ans plantées dans des sols de grès et vinifié de façon traditionnelle, avec les grappes entières, et à basse température, pour éviter d’extraire l’amertume de la râfle. Après un 2015 plus riche et solide, le 2016 fait place à une plus grande définition aromatique, avec un éventail de saveurs complexes, des tanins très soyeux et une grande sapidité. Pas donné, mais dans une classe à part.

Jean-Marc Burgaud élabore un Morgon 2016 plus charnu et plus solide que la moyenne de l’appellation, sans verser dans l’excès. Le fruit est bien présent, porté en bouche par une trame saline qui ouvre la soif, tandis qu’une saine amertume rehausse le fruit. Il sera intéressant de le voir évoluer jusqu’en 2021. Jean-Marc Burgaud signe aussi un très bon Beaujolais Villages blanc 2016; à la fois gras et salin, avec un léger reste gaz, qui fait contrepoids à la richesse naturelle du chardonnay et apporte une agréable fraîcheur en bouche. Parfait pour accompagner vos apéros d’automne.

La famille Geoffray (Château Thivin) cultive 17,5 acres sur le flanc sud du Mont Brouilly. Leur Côte de Brouilly 2016 est issu de sept différentes parcelles, toutes plantées sur les sols de granit bleu d’origine volcanique, qui, selon Isabelle Letessier, confèrent aux vins de l’appellation sa fermeté et son caractère un peu austère en jeunesse. Le 2016 est souple et gouleyant en attaque, puis se resserre en une trame compacte, doublée d’une chair fruitée gourmande et riche d’une foule de nuances épicées, herbales et florales. Beaucoup de plaisir, de relief et de longueur pour le prix.

Enfin, contrairement à la plupart des régions de France, le Beaujolais promet de donner des vins d’une qualité exceptionnelle en 2017. Une seule gorgée du Brouilly 2017 de Château Cambon devrait vous en convaincre. Affriolant et hyper charmeur; mûr, velouté, charnu et juteux, avec une saine acidité qui pince les joues et procure un plaisir hautement digeste.

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Santé!

Nadia Fournier

Cet article a été commandé par InterBeaujolais. Chacun son Vin publie périodiquement des articles liés à la dégustation de vins soumis par un domaine ou une région. Nos critiques, comme toujours, dégustent, commentent et évaluent ces bouteilles avec impartialité – les bons vins, les mauvais et ceux qui laissent indifférents font tous l’objet d’une recension sur Chacun son Vin. Les vins qui seront mentionnés dans l’article sont choisis par nous. Les domaines et les régions paient pour ce service. Des publicités de produits clairement identifiées peuvent apparaître aux côtés de l’article, mais les vins mis en valeur dans celui-ci ainsi que son contenu sont entièrement de notre ressort.