La liste sous pression – Soif d’ailleurs avec Nadia
par Nadia Fournier
En voulez-vous des listes? En v’là!
En cette fin d’année, elles arrivent de tout bord tous côtés. Rétrospectives ou prédictions, décembre offre son pot-luck annuel d’énumérations.
Les personnalités de l’année 2017, de « celles qui feront 2018 », les « événements internationaux de l’année », les « six événements scientifiques insolites ou intrigants de l’année», « vidéos virales de l’année », « Le pire de Donald Trump en 140 caractères », « Le Monde en 2018. Cinq prédictions pour l’année à venir ».
Les miennes?
Peu importe quel tweet enflammera la toile ou menacera l’équilibre politique de la planète, vous et moi continuerons à boire du vin. Grand ou pas grand. Blanc, rouge, rosé ou orange. Bio, biodynamique, nature ou sans étiquette particulière. Du bon vin. Juste du bon vin, authentique, sincère. Parce que ça fait du bien et pour le plaisir simple de partager un moment ensemble, autour d’une bonne bouteille.
C’est tout le bien que je vous souhaite en 2018: du temps ensemble.
Santé! Bonne année!
Champagne: le top 12
Comme la plupart des listes de fin d’années, celle-ci ne se veut pas exhaustive. Elle reflète plutôt mes découvertes et redécouvertes des derniers mois.
À commencer par un p’tit jeune qui fait beaucoup parler de lui depuis quelques années: Alexandre Chartogne. La trentaine à peine, cet élève d’Anselme Selosse compte déjà parmi les noms respectés de la Champagne et produit des vins d’une grande précision sous l’étiquette Chartogne-Taillet, le domaine de sa famille, situé de Merfy, dans le secteur de la montagne de Reims.
La Champagne est réputée pour ses assemblages – c’est d’ailleurs l’une des clés de sa constance –, mais depuis quelques années, on voit arriver sur le marché de plus en plus de cuvées parcellaires, la plupart élaborées par des récoltants-manipulants. L’exercice peut être périlleux, surtout avec les aléas météos des dernières années, mais nombre de vignerons voient dans les vinifications parcellaires un outil pour mieux comprendre leurs terroirs.
La cuvée Heurtebise 2011, Brut Blanc de Blancs 2011 provient de vignes de chardonnay d’une trentaine d’années, plantées sur des sols de calcaire et de sable. Le tout est vinifié en cuves inox avec les levures indigènes et élevé sur lies pendant cinq ans. Dans un millésime difficile comme 2011, cela donne un vin pur et racé, au nez délicatement brioché, plus en verticalité qu’en largeur, mais d’un équilibre, d’une profondeur et d’une longueur exemplaires. (76 $)
Alexandre Chartogne se débrouille tout aussi bien avec les assemblages, si je me fie à la qualité du Couarres Château, issu de pinot noir de la vendange 2012. Extra brut et pourtant plus vineux que la moyenne des champagnes. Un excellent vin à siroter lentement, pour en apprécier toutes les nuances. (76 $)
Plus au sud, Pascal Doquet a racheté en 2004 la totalité des parts de la maison familiale Doquet-Jeanmaire, située à Vertus, dans la Côte des Blancs. Son vignoble est conduit en agriculture biologique depuis 2007.
La cuvée Arpège Premier cru Blanc de blancs, est un brut nature, ce qui signifie qu’aucune liqueur de dosage n’y a été ajoutée. Fruit d’un assemblage des récoltes 2011 et 2010, le vin a été mis en bouteille en 2013 et dégorgé en janvier 2017. Comme tant de champagnes de qualité, il gagne à être servi frais, mais pas frappé. Excellent achat! (60,50 $)
Parlant d’aubaine, Premier Cru Vertus Extra Brut 2005 offre le plaisir rare d’un Champagne à point, mais toujours vibrant de fraîcheur. Hyper salin, délicatement iodé et absolument délicieux. (81,50 $)
Lui aussi riche d’une vinosité acquise au fil de douze années d’élevage, Grand Cru Le Mesnil-sur-Oger Extra-Brut 2005 est ample, gras et relevé de saveurs intenses et pénétrantes. Une expression très aboutie de ce grand terroir de la Marne. (98 $)
Dans le même esprit vigneron, la cuvée Fleur de l’Europe, Brut Nature est un autre exemple éloquent de la rigueur et du sérieux de la famille Fleury, qui cultive son vignoble de la côte des Bars en biodynamie depuis 1989. Un vin parfaitement à point et prêt à boire; concentré, d’excellente tenue, mais néanmoins élégant et aérien. Une aubaine à saisir! (62,25 $)
La famille Fleury produit aussi l’un des meilleurs champagnes rosés vendus à la SAQ: le Rosé De Saignée, Brut. Le terme saignée indique que la couleur du vin exclusivement relève du contact du moût avec les peaux des raisins de pinot noir, plutôt que d’un assemblage de chardonnay « coloré » par l’ajout de vin rouge, une pratique largement répandue en Champagne. La couleur de ce vin est donc plus soutenue que la moyenne et le vin comporte une bonne dose d’extraits secs qui laisse une texture quasi tannique en bouche. (67,75 $)
Sur un registre tout autre, mais non moins savoureux et raffiné, le Blanc de blancs, Brut (non millésimé) de la maison Henriot provient essentiellement des terroirs de premiers et grands crus de la Côte des Blancs. L’assemblage compte en moyenne 30 % de vins de réserve et le vin profite d’un élevage d’au moins trois ans sur lies. Harmonieux et délicieux. (78,75 $)
Dans la vaste propriété qui appartient à leur famille depuis 1750, Olivier et Didier Gimonnet misent sur des dosages limités qui laissent le fruit s’exprimer dans toute sa subtilité. La Cuvée Cuis Premier Cru de Pierre Gimonnet met en valeur les plus beaux atouts du chardonnay. La bouche est fraîche et élancée, complexe aussi, avec une finale crayeuse qui ajoute à sa prestance et à sa profondeur. (61 $)
Longtemps considéré comme le parent pauvre de la Champagne, le département de l’Aube a regagné ses lettres de noblesse grâce au travail de vignerons comme Emmanuel Lassaigne, dont les vins sont au moins aussi inspirés (sinon plus) que ceux de la Marne.
Sa cuvée Les Vignes de Montgueux, Blanc de blancs provient de neuf différentes parcelles sur des sols d’argile dense et de craie. Une interprétation très fine du chardonnay; parmi les meilleurs vins pour accompagner les huîtres. (64,25 $)
Produite au cœur de la Côte des Bars, La Colline Inspirée Blanc de Blancs pousse encore plus loin la complexité et la longueur en bouche. Déjà excellent, mais il pourrait encore vieillir jusqu’en 2022. (113,50 $)
Mais mon favori chez Lassaigne reste le Blanc de Blancs 2010, Clos Sainte-Sophie. Le vin est issu d’une parcelle de 1,2 hectares, vieilles vignes de chardonnay plantées entre 1968 et 1975. La vigne, clôturée par une haie, était travaillée, dit-on, comme un jardin japonais par Monsieur Valton – de la marque de vêtement Petit Bateau – avant d’être reprise par la famille Lassaigne, en 2010. Pas donné, je l’avoue, mais il transcende le reste de la gamme et surpasse en qualité bien des cuvées prestigieuses de grandes maisons. (217,25 $)
Une demi-caisse d’autres bulles pour le réveillon
À son arrivée en Californie au début des années 1980, Roederer fut parmi les premières maisons à s’établir dans Anderson Valley. Lorsque dégustée à l’aveugle aux côtés de grandes cuvées de Champagne, le Rœderer Estate, Brut, Anderson Valley se taille presque toujours une place dans le peloton de tête. Toutes catégories confondues, c’est l’un des meilleurs mousseux sur le marché. (33,85 $)
Lorsqu’il a créé son domaine en 1999, Vincent Carême partait de zéro. Ses parents, agriculteurs dans la Loire, cultivaient plutôt des céréales. Petit à petit, il a acquis des parcelles autour de Vouvray, où il s’est vite imposé comme un maître dans l’art de magnifier le chenin blanc. Son Vouvray Brut 2015 conjugue la richesse du millésime à l’essence du chenin sur sols de tuffeaux et à une bulle très fine. Impeccable! (25,05 $)
L’appellation Cava est employée en Espagne pour désigner les vins mousseux élaborés selon la méthode traditionnelle, autrefois appelée méthode champenoise. L’essentiel de la production provient de Catalogne.
La famille Mestres cultive la vigne depuis 1312 sur les Clos Damiana et Nostre Senyor, à Sant Sadurní d’Anoia, noyau historique de la production de Cava dans le Penedès. Josep Mestres fut même le premier à inscrire le nom « cava » sur ses étiquettes. La cuvée 1312, Reserva Brut offre beaucoup de caractère et de longueur pour le prix. (20,55 $)
En 1986, Josep Maria Raventós et son fils Manuel ont vendu leurs parts dans Codorniu et ont créé Raventós i Blanc, juste en face des installations ancestrales. La famille Raventós a aussi décidé de quitter l’appellation cava, jugeant la qualité des vins de l’appellation trop hétérogène. Leurs vins sont désormais commercialisés sous la dénomination Conca del Riu Anoia et les vignobles sont cultivés selon les principes de la biodynamie.
De tous les rosés effervescents (hors Champagne) sur le marché, le De Nit 2015 est certainement l’un des plus distinctifs. Toujours très raffiné, sans la moindre rusticité et doté d’une longueur on ne peut plus appréciable. (27,50 $)
Plus abordable encore, L’Hereu 2015 mêlent les parfums singuliers des cépages parellada, maccabeu et xarel-lo aux notes de pomme verte et de mie de pain. Un incontournable en matière de cava. (23,05 $)
Enfin, pour goûter le plein potentiel du terroir de la Conca del Riu Ánoia, il faudra goûter à la cuvée De la Finca 2014. Rien qu’à son nez intense et compact, on comprend qu’on a affaire à un « cava » hors norme. Mais c’est en bouche que le vin se distingue vraiment, par sa concentration doublée de finesse et de légèreté. Un achat très avantageux pour l’amateur de bulles sérieuses. J’en ai déjà fait provision… (36,50 $)
À la vôtre!
Nadia Fournier
Note de la rédaction: vous pouvez lire les commentaires de dégustation complets en cliquant sur les noms de vins, les photos de bouteilles ou les liens mis en surbrillance. Les abonnés payants à Chacun son vin ont accès à toutes les critiques dès leur mise en ligne. Les utilisateurs inscrits doivent attendre 30 jours après leur parution pour les lire. L’adhésion a ses privilèges ; parmi ceux-ci, un accès direct à de grands vins!
Publicité