Bons choix de Nadia pour les Fêtes: grande soif, grands vins et grands formats
Le Noël du senteur
Il y a quelques semaines, j’ai reçu par la poste un colis aux allures de cadeau de Noël: trois des fameux coffrets Le nez du vin, de Jean Lenoir. Quoique excitée comme une puce à la vue du grand livre rouge qui ressemble à s’y méprendre à une encyclopédie, j’ai résisté à la tentation de l’ouvrir. J’y voyais un piège à la procrastination. Un peu comme une série télé ou un roman qu’on se refuse d’entamer, faute de temps.
Oh que j’ai eu raison d’attendre!
Une fois déballé, je n’ai pu contenir mon enthousiasme et ma curiosité d’ouvrir, un à un, tous les flacons, m’enivrant d’odeurs à la manière de Jean-Baptiste Grenouille, le anti-héros du roman Le Parfum de Patrick Süskind. Une vraie geek, je vous jure. J’y ai passé presque quatre heures!
Un peu plus de 35 ans après sa création, le succès de l’ouvrage de Jean Lenoir ne se dément pas. L’imposant (et coûteux !) – 500 dollars selon les boutiques – coffret, composé de 54 petits flacons renfermant les principales odeurs perçues dans les vins, a été traduit en 11 langues et plus de 150 000 exemplaires ont été vendus dans quelque 70 pays.
Si certains flacons rappellent l’odeur d’essences artificielles, la plupart sont assez fidèles aux parfums des ingrédients qu’ils sont supposés évoquer. Entre la poire, le melon, le musc, l’amande, le coing, l’acacia, le foin coupé, le bourgeon de cassis, le cuir et le safran, vous aurez de quoi y passer quelques heures et rééduquer votre odorat atrophié.
C’est d’ailleurs une frustration, celle d’avoir le sens de l’odorat atrophié, qui a poussé Jean Lenoir à créer Le nez du vin, en 1981. « On nous apprend à écrire, à lire, à écouter, mais jamais à sentir », déplore ce Bourguignon d’origine, en rappelant que l’odorat a toujours été le parent pauvre des ses humains. « Les gens perçoivent les odeurs, mais ne savent pas mettre un nom dessus. » Le remède, c’est l’entraînement. Et quel meilleur instrument que le vin pour redécouvrir le merveilleux monde des odeurs.
Les différents coffrets Le nez du vin sont en vente dans les boutiques Vin & Passion (Laval et Saint-Bruno) et Vinum Design (Montréal et Québec), entre autres.
Quand on aime, on compte mal (ou moins bien)
Tout au long de l’année, mes collègues et moi avons à cœur de dénicher pour vous les meilleures aubaines. Pour les bouteilles abordables qui vous en donneront beaucoup pour votre argent, je vous invite d’ailleurs à consulter notre sélection du mois de décembre: les 20 vins à moins de 30 $. À l’approche des Fêtes, j’ose tout de même une petite montée en gamme, histoire d’étancher votre soif de grands vins.
À commencer par le Riesling 2014, Muenchberg Grand cru, d’André Ostertag. Chaque année, plus que tout autre riesling alsacien, le Muenchberg me donne l’impression d’une grande puissance contenue. Le 2014 n’y fait pas exception. Immense et pourtant si sobre, presque austère. Un vin d’anthologie qu’on aurait envie de boire dès maintenant. Vignoble conduit en biodynamie. (59,75 $)
La biodynamie donne aussi un excellent Riesling 2013, Kottabe (31,75 $) sur les sols graveleux du Herrenweg, entre les mains de la famille Meyer, domaine Josmeyer. Un vin d’une grande authenticité, éminemment rassasiant, même s’il ne titre pas plus de 11,5 % d’alcool. Une leçon de minimalisme.
Dans le même esprit, le Chassagne-Montrachet Les Battaudes 2014 d’Agnès Paquet propose une expression gracieuse du chardonnay, bien servi par l’élevage sous bois et par un travail minutieux des lies. Long, racé et apte à vieillir. (60,25 $)
En rouge, le Savigny-lès-Beaune Premier Cru Aux Clous 2013 du Domaine Louis Chenu et Filles est pur, tissé de tanins fins et offre un rapport qualité-prix remarquable. D’ailleurs, avec la hausse faramineuse du prix des vins de Bourgogne depuis quelques années, Savigny-lès-Beaune est maintenant l’une de mes appellations de prédilection en Côte d’Or.
Dans le Vaucluse, les vins qu’élabore Jérome Bressy ont l’envergure des vins de Châteauneuf, sans l’appellation. Son Domaine Gourt de Mautens 2012 s’exprime sur des couches et des couches de saveurs fruitées et épicées; un vin multidimensionnel, long et équilibré qui laisse supposer un brillant avenir. (69,50 $)
De l’autre côté des Alpes, dans le Piémont, les Produttori de Barbaresco, fidèles à leur habitude, signent un vin irréprochable en 2013. Toute la vigueur tannique du nebbiolo, mais aucune dureté, si bien que les plus pressés pourront l’apprécier dès maintenant, en attendant que le Barolo 2012 de Principiano Fernandino n’atteigne son apogée; serré, relevé de goûts de cerise fraîche et porté par des tanins fins et polis. (43 $)
« Think big! »
Cet automne, la SAQ a considérablement élargi son offre de vins disponibles en magnum. L’intérêt de ce format de 1,5 litre est avant tout de permettre un vieillissement prolongé en cave, le contenu de la bouteille étant exposé à l’oxygène dans une moindre proportion qu’en bouteille.
Cela dit, tous les vins en magnum ne sont pas destinés à une longue garde. Certains des vins commentés ci-dessous sont offerts en format 1,5 litre dans un simple esprit de partage, de fête, de grandes réunions de famille, etc.
Ça tombe bien, c’est la saison!
Pour la cave, on voudra retenir le Châteauneuf-du-Pape 2012, Les Trois Sources du Domaine de la Vieille Julienne, dont le vignoble est conduit en biodynamie par Jean-Paul Daumen. Coloré, intensément parfumé, capiteux et pourtant tout à fait harmonieux, sans le moindre caractère brûlant. Qualité irréprochable! (140 $)
Lui aussi, conçu pour la cave, le Château Laroque 2009 de la famille Beaumartin, conjugue la suavité du merlot à Saint-Émilion et l’intensité du millésime 2009, le tout doublé d’une appréciable retenue. Déjà excellent, il pourrait gagner en nuances au cours des 7-8 prochaines années. (118 $)
Le Morgon 2015 de Camille et Mathieu Lapierre présente un équilibre irréprochable, malgré les largesses d’un millésime qui a donné plusieurs vins capiteux. Contrairement à l’idée reçue, les meilleurs vins des crus du Beaujolais peuvent vieillir avec grâce. J’en tiens pour preuve quelques 2007 et 2009 goûtés récemment au Domaine Lapierre. (65,25 $)
Racheté en 1995, par Marie Lapierre (mère de Camille et Mathieu) et Jean-Claude Chanudet (Domaine Chamonard), le vignoble de Château Cambon est situé entre les crus de Morgon et de Fleurie, au coeur de la zone des crus. Élaboré, comme toujours, en macération semi-carbonique, sans ajout de levures et avec très peu de soufre, le Cambon 2015 Beaujolais offre une expression pure et savoureuse de raisins de gamay fermentés. (49,75 $)
L’important domaine de la famille Brocard est repris progressivement par le fils de Jean-Marc, Julien, qui a introduit l’agriculture biologique et pratique la biodynamie sur une partie des vignobles. Issue de vignes âgées d’environ 70 ans, le Chablis 2014, Domaine Sainte-Claire est tout à fait à la hauteur de la réputation du millésime. (52,75 $)
Créée en 1965, la petite cave des Vignerons d’Estézargues regroupe à peine une dizaine de vignerons qui ont à cœur de produire des vins de terroirs. Son Domaine la Montagnette 2015 est un très bel exemple de vins rouges produits sur le plateau de Signargues, dans la zone des Côtes du Rhône Villages. Un bon vin du sud, gorgé de soleil et pourtant très frais et taillé pour la cuisine traditionnelle du temps des Fêtes. (32,75 $)
Dans la région d’Émilie-Romagne, le vignoble de San Valentino bénéficie de l’influence de la mer Adriatique et donne un très bon sangiovese, dont les couches de saveurs fruitées, la vigueur et la trame tannique veloutée forment un ensemble harmonieux. (34,75 $)
Plus au sud, Michele Satta s’est imposé en maître du sangiovese à Bolgheri. Fruit d’un assemblage de sangiovese et de cépages bordelais, le Piastraia 2012 est agréable à boire dès maintenant, mais il pourrait se développer en magnum jusqu’en 2020. (76 $)
Plus serré et compact que les quelques bouteilles du même millésime goûtées en cours d’année. Est-ce l’effet du magnum ou d’une mise en bouteille plus tardive? Quoiqu’il en soit, le Montepulciano d’Abruzzo 2014 de Masciarelli est impeccable dans sa catégorie et offre beaucoup de corps et de caractère pour le prix. (33 $)
Et un petit dernier, espagnol celui-là: le Monasterio de las Viñas, Crianza 2010, l’une des nombreuses cuvées produites par la plus importante coopérative de Cariñena. Cette appellation située au sud-est de la Rioja, dans la région d’Aragon, n’a jamais eu le lustre de ses voisins du nord, mais peut donner de bons vins authentiques, à petits prix. (21,80 $)
Santé et joyeuses Fêtes!
Nadia Fournier
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