Les bons choix de Marc – Décembre 2016

D’une dictature à l’autre ?
par Marc Chapleau

Marc Chapleau

Castro est mort. Ben oui. Qui ne le sait pas vit sur une autre planète — et le cas échéant, merci de m’indiquer où on peut effectivement couler de la sorte des jours paisibles et heureux, avec de gigantesques oeillères, tarla peut-être mais donc content de l’être…

Mais il y a une autre dictature qui sévirait toujours, celle-là dans notre merveilleux monde du vin. La dictature des notes, l’obsession arithmétique, la manie des étoiles — ou de tout autre symbole visant à résumer, d’un seul coup d’oeil, le jugement que le critique a pu formuler à propos de telle ou telle bouteille.

Perso, j’en ai déjà parlé ici, d’ailleurs désolé si je donne l’impression de rabâcher, j’assume mes opinions et je note, je signale aussi mon appréciation par une cote, avec des chiffres.

Ceux qui s’en défendent, au prétexte que le vin, écoute bien Chose, c’est quelque chose d’immatériel et de surnaturel, d’impossible à appréhender exactement… ceux-là me tirent la pipe, parfois. J’encaisse, pas de trouble, chacun estime que l’autre est dans le champ mais on est civilisés et on en rit, au bout du compte.

Mais des fois, les griefs me chatouillent. Comme cette remarque d’un lecteur, qui reproche aux notations de se résumer au fond à bien peu de choses… En clair, la version courte, c’est que la grande majorité des vins que je note obtiendraient entre 85 et 90 points sur cent.

Vérification faite, ce monsieur a tort. C’est pire que ça, Joe : je donne entre 86 et 89 à un nombre impressionnant de produits.

On pourrait y déceler de l’incertitude, une difficulté à nuancer ; j’y vois plutôt une remarquable constance.

Pas tant de ma part, rassurez-vous, que par rapport à la qualité d’ensemble des vins que mon métier de critique m’amène à devoir évaluer.

Autrement dit, ces derniers ont de plus en plus tendance à se ressembler, c’est un fait, et pas nécessairement une tare ; c’est aussi le signe que les moyens et outils de production sont de mieux en mieux maîtrisés par les vignerons, et que les mauvais vins, vraiment pas terribles, franchement déséquilibrés, sont aujourd’hui très rares.

Cela dit, les adeptes de la notation sur cinq étoiles ne sont pas plus performants ; l’essentiel de leurs scores oscillent eux itou entre 3 et 4 étoiles, soit en gros l’équivalent d’entre 85 % et 90 %.

Même chose dans d’autres domaines que le nôtre, du reste. Ainsi, dans la dernière livraison du magazine Voir, les recensions de disques s’accompagnent toutes de scores variant entre… 3 et 4 étoiles. Idem ailleurs pour les films, pour les livres (les polars dans La Presse , le dimanche !) et ainsi de suite.

Moralité ? La leçon à en tirer, pour tous les oenophiles ?

On doit absolument lire le commentaire assorti à la note, pour se faire une meilleure idée du vin ? Bien sûr !

On devrait plutôt abandonner la notation, qui pourtant renseigne et raconte quelque chose elle aussi, et s’en tenir au seul commentaire écrit ? Jamais de la vie !

Devant notre monde où tout va si vite, soumis à la dictature de l’instantanéité et de la rapidité voire de la précipitation, il faut parfois savoir se plier…

~

À boire, aubergiste !

Ce qui ne nous empêche pas de peser sur pause, un instant. Le temps, par exemple, une idée comme ça, de prendre connaissance de mes suggestions de bons vins dégustés récemment…

Mercurey Les Mauvarennes Faiveley 2013 — Excellent bourgogne blanc, assez corsé, au boisé encore à se fondre mais de qualité, très bonne acidité, de la profondeur également. [27,85 $]

Mercurey La Framboisière 2013 Faiveley — Très bon bourgogne rouge de la côte chalonnaise, fin, épicé, bien typé pinot noir, et au boisé en bride, pas trop marqué, bien intégré. Belle réussite ! [35,50 $]

Château Duplessis 2012 — Bordeaux rouge de très bonne facture, pas très corsé ni concentré (c’est le millésime qui veut ça), légèrement marqué par le poivron par ailleurs. L’ensemble s’avère bien digeste, bien appuyé par l’acidité. [26,60 $]

Château Eugénie Cahors Cuvée Réservée de l’Aïeul 2013 — Un excellent cahors, fin et réglissé, tannique également mais sans astringence indue, la texture, le grain, est par ailleurs bien serré. Superbe rapport qualité-prix. [24 $]

Robert Mondavi Pinot noir Reserve Carneros 2014 — Excellent pinot noir californien, à la fois costaud, épicé et vif, avec une belle pointe d’acidité et pratiquement pas de sucre résiduel (3,1 g). Composante boisée marquée mais très bien intégrée. Prix corsé, cependant. [60,50 $]

Philippe Cambie Les Halos de Jupiter Côtes-du-Rhône 2014 — Solide côtes-du-rhône élaboré par l’oenologue-vedette Philippe Cambie, corsé et concentré, avec un léger reste de gaz carbonique qui déroute, au premier abord, mais dont on s’accommode rapidement. Caractère très solaire par ailleurs, très fruit mûr et un tantinet capiteux (15 pour cent d’alcool). [21 $]

Pascal Lorieux Saint-Nicolas de Bourgueuil Les Mauguerets-la Contrie 2014 — Pur cabernet franc, pur Loire, pur fruit et donc pas de bois dans cette cuvée aux saveurs moyennement corsées, délicatement texturées, quasi suaves bien qu’on perçoive une légère (et bienvenue) astringence typique du cabernet. Excellent ! [22,45 $]

DouRosa 2015 Douro — Un très bon rouge portugais, à la fois léché et gourmand, bourré de fruit et boisé-vanillé, floral également, de l’exubérance mais pas de racolage, tout ça se tient, et bien ! [19,55 $]

Château Jolys Cuvée Jean Jurançon 2013 — Savoureux blanc doux du sud-ouest de la France, au nez engageant de miel et d’abricot, et aux saveurs certes relativement sucrées (80 g de résiduel) mais portées par une tonifiante acidité. En prime, un taux d’alcool sous la barre des 13 pour cent, qui lui donne un caractère très digeste. [24,25 $]

Marc

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