Comme dans les livres
Hors des sentiers battus15 oct 2015
par Marc Chapleau
Une autre chronique pour ainsi dire multi-ethnique, cette semaine. On va parler d’un peu de tout, du Petrus 2001 à l’Afghanistan en passant par une petite leçon de bienséance – ce qui n’est pas rien, quand même…
Pour commencer, le tout nouveau Manuel de sommellerie professionnelle (135 $) publié par l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec sous les plumes de Pascal Patron, Kathleen McNeil et Jean-Luc Jault, tous trois professeurs à l’ITHQ. Un impressionnant ouvrage didactique, qui dit s’adresser tant aux sommeliers en herbe qu’aux passionnés. Une brique de quasi trois kilos, qui fait le tour des vignobles du monde entier et traite de divers sujets liés au vin, à sa production, sa dégustation, son service, et cetera.
En gros, pour revenir au poids et à la quantité d’informations, on a comme l’impression de tenir entre ses mains, d’un seul coup, les innombrables ouvrages écrits par le sommelier Jacques Orhon.
Tout est là, bref, les bases du métier, sans que rien ne soit cependant olé-olé. On ne plonge pas dans un tel manuel pour le plaisir de la lecture, de toute façon. Cela dit, la mise en pages, le graphisme, est très réussie. Les cartes géographiques notamment, d’ordinaire difficiles à rendre à la fois claires, simples et précises, méritent un coup de chapeau.
Une cocasserie en terminant, oserais-je dire une perle, retrouvée en page 744, dans le chapitre sur le service du vin.
On en est à expliquer au futur serveur et sommelier comment se comporter quand il officiera au restaurant, en train de servir une tablée manifestement très friquée…
« Le service se fait discrètement, afin de ne pas perturber les conversations des convives. Au besoin, on essuie le goulot en passant derrière le client. Pour les très grands crus, il est d’usage d’annoncer à chaque client, à voix basse, à l’oreille, le vin qu’on lui sert. Exemple : “Petrus 2001″… »
Sur le coup j’ai ri, avant de me demander s’il fallait en pleurer… Mais bon, il est vrai que je ne suis pas exactement un parangon des bonnes manières, et qu’un petit cours de bienséance chez madame Louise j’oublie son nom ne me nuirait sûrement pas.
À malin, maligne et demie
Parlant de bienséance, Le vin c’est pas sorcier, qui vient de paraître en France chez Marabout (32,95 $), est on ne peut décent.
L’oeuvre de Miss GlouGlou, alias Ophélie Neiman, blogueuse hébergée sur le site du journal Le Monde. Et un livre qui, tout en étant aussi sinon plus pédagogique encore que les manuels scolaires, est autrement plus divertissant.
Vraiment rien à redire sur ce sympathique ouvrage, par ailleurs plutôt complet, qui résume et vulgarise très bien les diverses notions rattachées au vin, qu’il s’agisse de la dégustation, de la vinification et des accords vins-mets, notamment.
De l’humour en prime dans Le vin c’est pas sorcier, signe que l’auteure maîtrise assez bien son sujet pour jouer sa partition de manière décontractée. Bon choix éditorial, également, que les illustrations, qui donnent une facture ainsi qu’un ton plus convivial, moins intimidant. Bon exemple : la page (illustrée) intitulée Comment cracher avec élégance ?
Un bémol : dans la section Vins du monde, on parle des vins d’un peu partout mais pas du Canada. C’est de bonne guerre, certes nous ne figurons pas encore dans le gotha, sauf que parmi les contrées viticoles explorées dans l’ouvrage, il y a la Chine, le Japon et même l’Afghanistan (!).
Autrement, et je passe, je le sais, du coq à l’âne, on félicite l’auteure d’employer l’euphonique et très parlant verbe « carafer » pour dire « passer en carafe » — n’en déplaise aux réactionnaires pour qui la langue est figée.
Avant de recommander mes bonnes bouteilles de la semaine, un dernier mot sur le livre d’Ophélie Neiman, qualifié, en page couverture, de « Petit précis d’oenologie illustré ».
On sait tous, les réactionnaires en premier, que l’oenologie est, notamment selon le Petit Robert, « l’étude des techniques de fabrication et de conservation des vins ». Un oenologue, au sens strict, est donc un technicien, une sorte de scientifique du vin, un peu comme le sont certains biochimistes, agronomes, etc.
Sauf que… lorsqu’on s’intéresse au vin et qu’on commence à s’y connaître assez pour en parler à la fois intelligemment et abondamment, on est en quelque sorte aussi oeno-logue, non ?
À boire, aubergiste !
En rafale, parce que le temps passe, la batterie de votre cellulaire est faible et vous en avez sûrement assez de m’entendre déblatérer :
Gérard Bertrand Naturae Chardonnay, Vin De Pays d’Oc 2014 – Une très bonne cuvée sans soufre ajouté, pourvue d’une très bonne acidité mais avec également des notes d’oxydation. À prendre comme blanc de repas, à table (par exemple avec des pâtes au pesto) plus qu’à l’apéro, étant donné que le vin est assez riche et corsé. (19,95 $)
St. Francis Cabernet Sauvignon Sonoma County 2012 – Rouge de Californie costaud et boisé, relativement tannique et avec une certaine profondeur. L’acidité est bien présente, par ailleurs. (29,50 $)
Domaine La Casenove La Colomina, IGT Côtes Catalanes 2012 – Très bon rouge du Languedoc à base (50 %) de vieux carignans, auxquels on a adjoint 25 % de syrah, 20 % de grenache et 5 % de mourvèdre. Résultat : un vin corsé, rugueux et généreux, minéral également et doté d’une bonne profondeur. Sur un couscous à l’agneau ! (19,25 $)
Laroche Chablis Saint-Martin 2014 – Un chablis modèle, vif, fumé et minéral. Autre très bon point en sa faveur : son bouchon est dévissable. La pureté du fruit est ainsi préservée et le risque d’altération pour cause de goût de bouchon, pratiquement éliminé. (25,90 $)
Albert Bichot Chardonnay Vieilles Vignes 2013 – Finement boisé (si tant est qu’il y a du bois dedans), juste assez nerveux, très « slick », lissé, bien travaillé c’est dire, sans aspérités mais pas sans personnalité. Belle réussite ! Et à moins de 20 $, qui plus est. (18,45 $)
Albert Bichot Meursault 2012 – D’emblée boisé, rancio même, avec un goût rappelant les noisettes un tantinet rances (encore une fois, ce n’est pas désagréable, loin de là). Beaucoup de fraîcheur par ailleurs, et passablement de corps. Finale fumée et citronnée. Pas donné (65 $), mais vraiment excellent.
Bollinger Special Cuvée – Un champagne d’entrée de gamme qui n’a rien d’ordinaire ou de « premier niveau »… Fin, nerveux, élancé, légèrement brioché ainsi que rancio, c’est-à-dire légèrement oxydatif, tout à fait dans le style de la maison. (69,25 $)
Domaine Du Clos Frantin Gevrey-Chambertin «Les Murots» 2012 – Bon mariage entre le fruit et le bois, de la vivacité, une belle tension. Concentration moyenne, on aurait souhaité un peu plus de richesse et de profondeur, mais l’équilibre est là et le vin remplit une bonne part de ses promesses tout en faisant preuve de fraîcheur. (65,25 $)
Cordier Prestige Bordeaux 2010 – Un bordeaux à moins de 20 $ très acceptable, corsé, charpenté, marqué par de légères notes de poivron vert. Bonne concentration des saveurs par ailleurs, et une certaine persistance. (18,95 $)
Château Des Laurets Puisseguin Saint-Émilion 2012 – Dans un millésime qui fait la part belle au fruit, voici un très bon bordeaux de la Rive droite, à base de merlot (80 %), auquel se greffe 20 % de cabernet franc. Finesse et bon dosage du bois, présent sans être envahissant. À 20,40 $, un excellent rapport qualité-prix !
Bulles D’automne Cidre Mousseux Domaine De Lavoie – Excellent cidre mousseux de couleur dorée et à la fois très fruité (la pomme, évidemment) et aussi rancio, avec des notes oxydatives, briochées également. C’est sucré par ailleurs (98 g par litre !), mais l’acidité (malique) de la pomme aidant, la fraîcheur est là tout plein. (15,65 $)
Voilà, noyez vos peines ou célébrez vos bons coups, dans tous les cas amusez-vous !
Marc
Note de la rédaction: vous pouvez lire les commentaires de dégustation complets en cliquant sur les noms de vins, les photos de bouteilles ou les liens mis en surbrillance. Les abonnés payants à Chacun son Vin ont accès à toutes les critiques dès leur mise en ligne. Les utilisateurs inscrits doivent attendre 60 jours après leur parution pour les lire. L’adhésion a ses privilèges ; parmi ceux-ci, un accès direct à de bons vins !