Les bons choix de Nadia – Décembre
Le bon goût, la tourtière et le ragoût
par Nadia Fournier
Chaque année, pour le plus grand plaisir de nos papilles d’enfants – et l’infortune de nos métabolismes fragiles –, la période des Fêtes amène son lot de démesure et d’excès. Bien que l’heure semble propice à l’abondance, ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour sortir de votre cave de grandes bouteilles longuement attendues.
Parce qu’ils sont riches et relevés – sans mentionner qu’ils sont souvent accompagnés de marinades –, les pâtés à la viande, ragoûts, tourtières du Lac-Saint-Jean et autres plats traditionnels québécois risqueraient de masquer les subtilités d’un vin délicat. Ces plats copieux font, en revanche, d’excellents compagnons pour des vins plus chaleureux. On peut donc miser donc sur la chair fruitée ample et gourmande d’un vin rouge de Châteauneuf-du-Pape, de Vacqueyras, des Costières de Nîmes, ou encore sur l’étoffe tannique et la vigueur d’un cru de Provence, de Valence, des Pouilles, de la Californie, de Swartland en Afrique du Sud, une syrah ou une carmenère du Chili.
Une caisse de bons vins à moins de 15 $
Pour accompagner le buffet de Noël, nul besoin de dépenser une fortune ni de chercher LE vin qui créera l’accord parfait. D’abord, il est peu probable qu’un seul vin puisse convenir parfaitement à ce mariage de saveurs hétéroclites. Et puis, je ne sais pas pour vous, mais dans ma famille, on ne se prête pas à des dégustations sérieuses autour du ragoût de pattes. On jase et on boit distraitement.
Dans ce contexte, mieux vaut donc opter pour des vins « passe-partout », riches en fruit, souples, faciles à boire et relativement abordables.
Rouges ou blancs, les douze vins suivants sont tous assez polyvalents pour épouser les saveurs prononcées des plats de viande en sauce. Surtout, tous sont secs et donc parfaitement adaptés aux plaisirs de la table.
Rouges
À mon avis, le Portugal demeure l’un des secrets les mieux gardés en matière de rapport qualité-prix-plaisir. À cet égard, les vins de Lavradores de Feitoria sont remarquables. Cette coopérative du Douro dont l’activité s’étend depuis l’extrémité ouest de l’appellation, jusqu’au Douro Supérieur, a produit un très bon 2012, riche en fruit, compact et on ne peut plus fidèle à ses origines.
Pour 10 $ et des poussières, difficile de trouver mieux que le Herdade das Albernoas 2012. Le genre de vin polyvalent, à servir frais autour de 15°C.
Un peu plus corsé et tout aussi abordable, le Vila Regia 2013 Douro demeure l’une des valeurs sûres au répertoire général de la SAQ.
Si vous aimez les vins rouges solaires, le Cistus 2012, Douro de Quinta do Vale Da Perdiz est l’une des aubaines à saisir !
En plus d’être un bassin à aubaines hyperfertile, la région du Languedoc-Roussillon est l’une des régions les plus riches et les plus diversifiées de France. Chaque année, on peu acheter le Merlot du Domaine des Moulines les yeux fermés. Gorgé de fruit et juste assez charnu.
Dans la même veine de fruit et de garrigue, La Garnotte 2010 de Jean-Noël Bousquet porte un nom à consonance bien québécoise, mais est résolument méditerranéen par sa composition de syrah, de carignan et de grenache.
En plus du Château des Tourelles dans les Costières de Nîmes, Hervé Durand et son fils Guilhem commercialisent un bon vin de Pays d’Oc sous l’étiquette Mas des Tourelles. La Grande Cuvée 2012 est issue de merlot, de syrah, de petit verdot et de marselan – croisement entre le cabernet sauvignon et le grenache – et vendue au répertoire général de la SAQ.
Certaines régions viticoles du centre et du sud de l’Italie, les Pouilles et les Abruzzes, par exemple, recèlent aussi quelques trésors de vins rouges à des prix attrayants. Produit aux limites des Marches, le Riparosso 2012 Montepulciano d’Abruzzo est juste assez rustique et corsé pour tenir tête aux saveurs prononcées de la tourtière et soutenu par une franche acidité qui laisse la bouche nette et ravivée.
Blancs
Les chardonnays se suivent et se ressemblent, le plus souvent. Bien qu’il ne soit pas très original, le Campagnola Chardonnay 2013 fait preuve d’une qualité irréprochable. Loin d’être une autre caricature, il offre en bouche de bons goûts de fruits, juste ce qu’il faut de gras et un bel équilibre. Le tout pour 13 $ et des poussières. On achète à la caisse!
Plus vif, comme le commande le cépage sauvignon blanc, le Fumé blanc 2013 Gran Reserva de la maison Carmen profite d’un élevage partiel en fûts de chêne qui tempère ses ardeurs et donne un vin étonnamment complet pour le prix. Sec, tranchant et idéal avec les huîtres.
Dans le même esprit, mais un peu plus guilleret et fruité, le Carrelot des Amants blanc 2013 mise sur un assemblage de sauvignon blanc et de gros manseng.
Les amateurs de vins blancs aromatiques voudront aussi goûter le Albis 2013 de José Maria da Fonseca. Issu de moscatel, le vin est sec, mais agrémenté de parfums floraux qui rappellent certains vins de dessert.
Lui aussi produit dans le secteur de la péninsule de Setúbal, le Bacalhôa Catarina 2013 mise sur les vertus complémentaires des cépages fernão pires, arinto et chardonnay. Le premier lui donne son originalité aromatique, le second lui confère une acidité et une poigne dignes de mention et le dernier apporte une texture juste assez grasse pour laisser en bouche une sensation rassasiante, sans lourdeur. Très bon achat à moins de 15 $.
Champagne!
Qu’on se le dise: le mot « Champagne » sur la bouteille ne garantit en rien la qualité. La dénomination protégée certifie l’origine et la méthode, mais elle n’atteste pas de la rigueur ni du talent du vinificateur. Le vignoble le plus septentrional de France est capable du meilleur, comme du pire.
Mais lorsqu’il est élaboré avec des raisins de qualité et dans les règles de l’art, aucun autre vin effervescent ne peut rivaliser avec l’excellence du champagne. Avec ses sols crayeux uniques, son climat régulé par la Marne, ses cépages parfaitement adaptés et le savoir-faire millénaire de ses vignerons, la région de Champagne est un terroir inimitable.
Le champagne est l’apéritif par excellence. C’est le moment idéal pour apprécier sa finesse et sa fraîcheur, et pour mettre nos papilles en éveil et en appétit. Pour accompagner un repas, mieux vaut choisir un champagne plus corsé, généralement composé d’une plus forte proportion de raisins noirs, comme celui de la maison Drappier. Force majeure de l’Aube, la famille Drappier produit un très bon Brut Nature Zéro dosage, issu exclusivement de pinot noir. Aucune liqueur d’expédition n’a été ajoutée au vin ; son onctuosité est donc attribuable seulement à la maturité des raisins.
Encore plus vineux et nourri, le Joseph Perrier Cuvée Royale 2002 est devenu l’un de mes classiques au cours des dernières années. À la fois très élégant, mais assez étoffé et vineux pour accompagner un repas.
Avec des huîtres, rien n’égale à mon avis la fraîcheur et l’allure aérienne d’un bon blanc de blancs. Celui de la maison Henriot, par exemple, offre chaque année une expression très fine du cépage chardonnay, avec une minéralité digeste et désaltérante.
Le viticulteur Emmanuel Lassaigne a quitté la cave coopérative, banni les désherbants et prouvé à tous que le département de l’Aube – souvent considéré comme le parent pauvre de la Champagne – pouvait donner des vins aussi inspirés que ceux de la Marne. Si vous ne connaissez pas déjà Les Vignes de Montgueux, Blanc de blancs, hâtez-vous d’aller en succursales!
Poussant encore plus loin la complexité et la minéralité, Pierre Larmandier cultive son vignoble en biodynamie et il en tire ce vin somptueux, qui offre une expression à la fois mûre, distinguée et épurée du cépage chardonnay sur le Terroir de Vertus, dans la Marne.
Hormis quelques rares vins de saignée, les champagnes rosés sont généralement issus d’un assemblage de chardonnay, « coloré » par l’ajout de pinot noir et de pinot meunier. Toujours plus chers et rarement aussi complets que leurs équivalents blancs. Raison de plus pour souligner la qualité de celui de Pascal Doquet. Une effervescence fine, des saveurs précises et persistantes, et un prix on ne peut plus attrayant.
Dans le présent arrivage du magazine Cellier, on retiendra aussi la cuvée Horizon Brut Blanc de blancs. Rappelons que le vignoble de la famille Doquet est conduit en agriculture biologique.
Également mis en marché dans le cadre du lancement du magazine Cellier, le Gruet, G. et Fils; Blanc de Blancs fera plaisir aux amateurs de champagne à l’affut d’aubaines (37,25 $). Bon vin de facture classique; j’ai bien aimé ses goûts briochés.
Enfin, si on ne profite pas de la période des Fêtes pour se gâter, quand le
fera-t-on? Le Roederer Cristal Brut 2006 s’inscrit dans la continuité des derniers millésimes. Préoccupé de maintenir un bon taux d’acidité naturelle dans les moûts, Jean-Baptiste Lecaillon a commencé à repenser le travail à la vigne dès 2000. Roederer s’est à nouveau imposée par sa gestion avant-gardiste, devenant propriétaire du plus important vignoble champenois cultivé en biodynamie. Loin d’être le seul fruit d’une habile campagne de marketing, le Cristal s’inscrit dans l’élite des champagnes hauts de gamme.
Cellier de Noël – suite et fin du rapport d’un jour feuille…
Il y a un peu plus d’une semaine, je vous racontais les aléas d’une journée feuille, où tous les vins paraissent ternes et manquaient de fruit. Dans de telles conditions, il est difficile à mon avis d’avoir une idée juste de la qualité réelle des vins. Parmi la vingtaine de cuvées dégustées, voici donc ceux qui, ce jour-là, se présentaient le mieux.
Les étoiles de la Toscane
Bien qu’il soit certainement le plus connu et le plus prestigieux des supertoscans, le Sassicaia, Bolgheri 2011 a très peu en commun avec les cuvées modernes et plantureuses qui sont peu à peu devenues la norme à Bolgheri. Bien qu’un peu moins complet et complexe que d’autres millésimes récents, le 2011 se situe néanmoins dans une classe à part.
Plus modeste et issu d’un millésime un peu moins chaleureux, le Difese 2012 est le véritable second vin de la Tenuta San Guido, berceau du Sassicaia.
Toujours à Bolgheri, Le Serre Nuove 2012 de la Tenuta dell’Ornellaia a beaucoup d’étoffe et de prestance en bouche. Je dois même avouer que j’ai parfois plus de plaisir à boire ce vin que le grand vin d’Ornellaia. Surtout pour une fraction du prix.
Dans son domaine de Panzano en plein cœur du Chianti Classico, Giovanni Manetti est un monument de la viticulture toscane. Son Flaccianello della Pieve 2011 est issu de l’agriculture biologique. Bien que légèrement en recul par rapport aux millésimes précédents, le 2011 n’en demeure pas moins un très bon exemple du genre.
Le Tignanello 2011 m’a paru un peu plus complet que le Flaccianello. Créé au début des années 1970 par Piero Antinori, ce vin n’a pas pris une ride et continue de se bonifier au fil des millésimes. Est-ce un signe que les travaux effectués il y a quelques années sur le vignoble de la Tenuta Tignanello portent fruit?
Deux monuments de Barolo
Très bien ficelé dans le style moderne affectionné par la famille d’Aldo Conterno, Barolo Bussia 2010 c’est-à-dire costaud, plein en bouche et très structuré, mais enrobé d’une chair fruitée mûre et généreuse. Bien qu’il en impose déjà en bouche, il n’atteindra vraiment son apogée que vers 2018-2020.
Plus modeste, mais aussi nettement plus facile à apprécier en jeunesse, le Barolo 2010 Serralunga de Principiano Ferdinando est tout à fait fidèle à l’esprit d’un bon nebbiolo, tant par sa forme, que par ses accents d’herbes séchées et de terre humide. Le genre de bouteille à ouvrir lors d’un repas pour deux et à savourer lentement, très lentement.
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Joyeuses Fêtes! À votre santé!
Nadia Fournier
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