Les choix de Nadia – Juillet
Cool Chardonnay !
par Nadia Fournier
La fin de semaine prochaine, du 18 au 20 juillet, la région de la péninsule de Niagara sera l’hôte de la quatrième édition du i4c (International Cool Climate Chardonnay Celebration), un festival dédié au chardonnay de climat frais.
À l’approche de ce rassemblement auquel je participerai, plusieurs questions me sont venues en tête quant à la définition même de la « fraîcheur ». Qu’est-ce qui distingue un chardonnay de climat frais du reste de l’océan de chardonnays produits sur la planète ? Et au fond, sur quoi repose réellement cette sensation de fraîcheur que procurent certains vins ? Est-elle simplement attribuable à la teneur en acidité du vin ou plutôt aux familles d’arômes qui s’en dégagent ? Est-ce que la fraîcheur est attribuable exclusivement au lieu d’origine des raisins ou est-ce que la signature du vigneron joue aussi un rôle important ?
Autant de questions mériteraient sans doute une longue réponse complexe et nuancée. Pourtant, après mûre réflexion, j’en suis venue à une conclusion plutôt simple. Pour moi, la définition du chardonnay de climat frais pourrait se résumer à un mot : minéralité.
Malheureusement, la définition de ce terme largement utilisé dans le jargon des critiques de vins – dont je suis – demeure certainement aussi vague, sinon plus, que la notion de fraîcheur, puisqu’il repose sur un concept encore plus abstrait.
« Antidote à l’ennui »
En faisant quelques recherches, j’ai retrouvé une réflexion sur la minéralité qu’avait diffusée Denis Dubourdieu, professeur à la faculté d’œnologie de Bordeaux. Dubitatif devant cette perception qui ne s’appuie sur aucune recherche scientifique, Dubourdieu émettait quelques hypothèses après avoir longuement cogité sur la question. En voici un résumé :
« La minéralité caractérise certainement le goût d’un vin inspiré par le refus de la facilité, dicté par l’ambition de faire un vin inimitable associé à un lieu et à nul autre. […] Minéral dans votre esprit s’oppose à pâteux, complaisant, sucré, alcooleux, sur boisé […] et est alors synonyme de pur, aérien, frais, serré, tendu, complexe et mystérieux. […] Minéral fait aussi référence à l’effort. Quand la vigne est facile à cultiver, le vin est ennuyeux à déguster. La quête de la minéralité est finalement celle de l’antidote à l’ennui, que les vins complaisants finissent toujours par susciter. »
Mais comment donc obtient-on ce goût minéral ?
L’histoire a depuis longtemps prouvé que les vins fins et subtils provenaient généralement de régions où le climat n’avait rien d’excessif. Juste ce qu’il faut de chaleur pour que le raisin mûrisse lentement, mais sûrement.
Dans les régions torrides, le fruit mûrit sans peine chaque année, mais donne rarement des vins subtils ou profonds. Voilà pourquoi la Bourgogne donne des chardonnays infiniment plus complexes que ceux de la Baja California, au Mexique.De là l’idée de planter les cépages à leurs limites géographiques : le plus au nord possible dans l’hémisphère nord, le plus au sud possible dans l’hémisphère sud. Et de miser, dans les régions montagneuses, sur les terroirs d’altitude et les coteaux protégés du soleil.
Le type d’agriculture a aussi une incidence sur la complexité d’un vin. En bannissant les d’engrais chimiques et les désherbants et en travaillant les sols, on favorise l’enracinement profond de la vigne et l’apport minéral. Aucune étude scientifique ne le prouve, mais le résultat dans le verre, lui, ne fait aucun doute.
Enfin, loin de se limiter au sol, la minéralité tient aussi de l’état d’esprit qui anime le vigneron. Car entre les mains d’un vigneron paresseux ou trop ambitieux, même un grand terroir de Bourgogne peut être réduit à la banalité. Trop de bois ou de bâtonnage, une vigne mal entretenue, des rendements trop élevés, une vendange trop précoce, trop tardive, etc. Autant de détails qui font toute la différence entre le vin ordinaire et le vin mystère…
De Rougemont à Auckland
Vendredi dernier, histoire de m’amuser un peu, j’ai servi à l’aveugle quelques vins blancs québécois à des amis amateurs de vins qui étaient venus prendre l’apéro à la maison. Dans le lot, le Chardonnay 2012 La Côte de Coteau Rougemont (23,95 $). À l’aveugle, tous étaient persuadés qu’il s’agissait d’un vin européen. Je ne tomberai pas dans les superlatifs faciles, mais je dirai seulement que quelqu’un a évoqué la Bourgogne… À suivre!
Le Montréalais Thomas Bachelder, ancien vinificateur du Clos Jordanne (Niagara), a démarré une activité de négoce transatlantique, spécialisée dans le chardonnay et le pinot noir, en Bourgogne, en l’Oregon et à Niagara.
Stylistiquement à mi-chemin entre Meursault et un Chablis Premier cru, le Beaune blanc 2010, Les Longes(43,25 $) est un heureux mariage de vivacité et de gras. Pas donné, mais excellent!
Sans avoir la même dimension aromatique, son Bourgogne Chardonnay 2011 (27 $)mérite une mention spéciale pour sa tenue en bouche et son volume. À moins de 30 $, c’est un achat avisé.
Encore disponible dans quelques succursales au moment d’écrire ces lignes, le Chardonnay 2011, Wismer Vineyard(41,25 $) est l’archétype d’un bon chardonnay de climat frais. Dégusté à nouveau la semaine dernière, le vin faisait preuve d’une tension remarquable en bouche, avec une finale rassasiante tant par sa texture que par sa vigueur.
Chablis, quintessence du chardonnay ?
De l’avis de plusieurs, le chablis est la quintessence du cépage chardonnay. Grâce à leur acidité naturelle et à leur équilibre, les meilleurs peuvent être conservés plusieurs années.
À la tête du domaine familial Louis Moreau depuis 1994, Louis Moreau est aussi président du comité interprofessionnel des vignerons de Chablis. De manière générale, les vins sont très fidèles à l’idée de pureté et de franchise propres à l’appellation.
À la fois vigoureux et vineux, agrémenté de saveurs cristallines et doté d’une franche tension minérale, le Chablis Premier cru Vaulignot 2011 a tous les éléments recherchés dans un chablis ! Fort belle réussite aussi pour le Chablis 2012. Parfaitement sec et suffisamment vineux.
Enfin, de l’aveu de Louis Moreau, le Petit Chablis 2012 est naturellement plus friand, souple, fruité et moins minéral qu’un chablis courant. N’empêche, c’est l’un des beaux exemples du genre offerts sur le marché.
Au Domaine de La Cadette, Jean Montanet est un pilier de la région de Vèzelay, dans l’Yonne (au sud de Chablis), où il pratique une agriculture biologique depuis plus de 10 ans. Sa « petite » cuvée, La Sœur Cadette, est issue à la fois des vignes du domaine et d’achat de raisins. Encore plus complet que le 2011 dégusté l’an dernier et toujours vendu à moins de 20 $. Une aubaine à saisir!
Le chardonnay aux antipodes
Œnologue de la maison De Martino, Marcelo Retamal est l’un des plus brillants œnologues chiliens de sa génération. Il a mené plusieurs études des sols de la vallée centrale qui sont désormais une référence pour les nouvelles plantations. Persuadé que la cordillère des Andes représente l’avenir du vignoble chilien, il préconise un retour à la viticulture d’altitude.
À l’ouverture, son Chardonnay 2012, Legado – produit dans la région fraîche de Limari –peut presque passer inaperçu. Car ce n’est vraiment qu’après quelques heures qu’il se révèle à sa juste valeur. On découvre alors un chardonnay très pur, à des lieues des cuvées lourdes et exagérément boisées. À moins de 20 $, on en ferait son vin blanc quotidien !
Depuis quelques années, Viña Carmen – une cave appartenant au groupe Santa Rita, mais gérée de manière autonome – ne cesse de me surprendre par la qualité de ses vins, qui offrent généralement un excellent rapport qualité-prix. Pour une bouchée de pain, ce Viña Carmen Chardonnay 2013 (13 $) vendu dans l’ensemble du réseau est un modèle du genre. Rien de bien profond ni de minéral, mais un très bon vin blanc sec, équilibré et agréable à boire.
En Nouvelle-Zélande, au nord de l’île du Nord et en périphérie de la région métropolitaine d’Auckland, Kumeu River, le domaine de famille Brajkovich, est réputé à juste titre pour produire quelques-uns des vins les plus fins du pays. Animé par la volonté d’obtenir un vin pur et fidèle au goût du lieu, Michael Brajkovich a opté pour une approche peu interventionniste, qui a certainement contribué au caractère singulier de ses cuvées.
Disponible en bonnes quantités à la SAQ, le Chardonnay 2009, Estate (34,25 $) est une valeur sûre. Un peu moins complexe et intense que les cuvées parcellaires du domaine, mais tout aussi élégant. Il a aussi un bon potentiel de garde.
Encore disponible dans quelques succursales dans les régions de Montréal, Québec et Sherbrooke, le Hunting Hill (40 $) est la preuve que la Bourgogne n’est pas la seule à donner à ce cépage ses lettres de noblesse. Le chardonnay conjugué au plus-que-parfait !
Au plaisir de vous rencontrer la fin de semaine prochaine à Niagara.
Santé !
Nadia Fournier
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