Laissez-vous surprendre
Laissez-vous surprendre
Il y a quelques années, un sommelier de Québec m’avait raconté qu’une cliente ayant choisi un menu dégustation lui avait spécifié avec insistance qu’elle ne buvait que du rouge. « Madame, lui rétorque le sommelier, un peu dans l’embarras, c’est qu’il y a trois services de poissons et fruits de mer, je, enfin… »
La dame hésite, le sommelier aussi, puis la dame décide de s’en remettre à lui pour les accords. Et à la fin de la soirée, très heureuse de son sort, lui confie : « Je vous remercie beaucoup. Maintenant, je comprends mieux pourquoi il me reste un drôle de goût en bouche quand je prends mon shiraz préféré avec des sushis. »
L’idée du shiraz avec les sushis en fera grimacer plus d’un, mais ne doit-on pas surtout féliciter la dame en question de s’être laissée sortir de sa zone de confort? L’important n’est-il pas qu’elle a ouvert la porte à toute une catégorie de vins qu’elle pensait ne pas aimer? Dans cet univers si riche et varié, il faut savoir se laisser surprendre.
Quand on pense qu’on sait…
Il y a plus de 20 ans que j’ai commencé à déguster de façon organisée et 17 ans que j’ai commencé à écrire professionnellement sur le vin. Il y a cinq ou six ans, fort de nombreux salons, rencontres avec des vignerons, recherches et articles pour toutes sortes de sites et de publications, j’ai commencé à me dire que je comprenais les règles du jeu. Que les vins de telle région étaient comme ceci. Qu’il était impossible qu’un vin de telle région chaude puisse avoir tel ou tel profil. Que tel cépage ne supporte pas le bois neuf, etc.
Sauf que, chaque fois que je pensais avoir trouvé la règle, quelqu’un (souvent des vignerons, mais aussi des sommeliers ou des amis) me mettait un verre sous le nez avec un grand sourire aux lèvres. Une gorgée, et les théories s’effondraient comme le château de cartes qu’elles étaient.
Je suis extrêmement reconnaissant à tous ceux et celles qui m’ont offert un verre rempli de surprises. Et par là, je ne veux pas nécessairement dire ceux ou celles qui m’ont fait découvrir le cornalin, l’ökuszgözu, les vins des îles Canaries ou le (très bon) nebbiolo de Virginie. Parfois, le merci revient à celui qui m’a mis sous le nez un verre de sauvignon blanc au nez nuancé, un cru bourgeois du Médoc sympathique et accessible, un chardonnay australien de climat frais, élégant à souhait, ou une syrah de l’état de Washington, puissante mais aussi pleine de minéralité et de tension. Des vins sur lesquels j’aurais peut-être été tenté de lever le nez parce que mon idée était faite, avant même de goûter.
Récemment, j’ai retrouvé dans un coin sombre de la cave un vin de poire bosc de Sunnybrook Farms, dans le Niagara. Millésime : 1996. Bon à jeter? Pas du tout. C’était encore très agréable, avec de beaux arômes de poire séchée, et toujours une belle fraîcheur. Qui l’aurait cru, à moins d’y goûter?
Hors catégorie
On peut même être surpris en terrain connu. Il y a quelques semaines, j’ai eu la chance d’être convié à une dégustation à l’aveugle par des connaisseurs chevronnés et amateurs de grands crus. Dans les verres, des vins d’un âge certain, définis par une finesse, une élégance, une délicatesse exceptionnelles. La majorité du groupe, autour de la table, a penché vers le pinot noir, tout en s’interrogeant un peu sur les arômes un brin atypiques du cépage. Une fois les bouteilles découvertes, surprise autour de la table : il s’agissait de très grands bordeaux, mais de « petits » millésimes du début des années 1990. On était loin de l’image de puissance et d’ampleur véhiculée par les Parker et autres amateurs de millésimes très ensoleillés – et c’était délicieux.
Il n’est pas si rare d’entendre des gens – dont certains qui se disent ou qui sont véritablement connaisseurs – faire une croix sur toute une catégorie de vins. « Moi, je n’aime pas les chardonnays australiens, ils sont trop beurrés et boisés. » « Les rieslings, c’est trop sucré. » « Le cabernet franc, ça goûte trop le poivron vert. » « Les blancs italiens ne sont pas bons. » Quels que soit la région, le cépage, le climat ou l’approche, le monde du vin en a toujours pour tous les goûts. Chaque vin doit être jugé dans son contexte, certainement, mais chaque bouteille doit être jugée en elle-même, pour elle-même. Bref, à chaque vin son style et… à chacun son vin.
Chacun son vin et vous
Les quatre chroniqueurs de Chacun son vin, Marc Chapleau, Nadia Fournier, Bill Zacharkiw et moi-même, ont chacun leur parcours, chacun leurs préférences, chacun (et chacune) leur vision et leurs goûts. Et certainement chacun leurs surprises périodiques, toutes catégories confondues. Pour vous, les utilisateurs et membres de Chacun son vin, cette variété de points de vue permettra certainement de trouver, par nos chroniques et notes de dégustation, les bouteilles qui vous conviennent, celles qui vous réconforteront comme celles qui vous sortiront de votre zone de confort. Ensuite, vous pourrez partager vos impressions avec nous et avec toute la communauté virtuelle du site. Le vin, justement, est toujours meilleur quand on le partage. Au plaisir d’échanger et de déguster avec vous.
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